Quel profil faut-il pour piloter des transformations?

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Dans un environnement d’affaires où le changement s’accélère et se complexifie, seulement 13 % des dirigeants se sentent aptes à réaliser de grandes transformations. Quelles qualités, quelles attitudes cultiver pour faire arriver le changement ?

« Quand un changement est impératif, il faut le faire démarrer rapidement, sans attendre que le modèle soit clairement défini », a affirmé Charles Décarie, chef de l’exploitation du fabricant de manèges Triotech, lors de la Conférence Gestion du changement présentée par les Événements Les Affaires le 18 octobre dernier.

Pour lui, le leader transformationnel doit se concentrer sur le fait qu’il est le catalyseur du changement. Pour ce qui est du « comment faire le changement », c’est l’intelligence collective qui prendra le relais. « Quand on envoie un signal fort aux équipes qu’il est temps de changer, on mobilise l’intelligence collective qui est l’outil le plus puissant de transformation, a-t-il poursuivi. Ça permet de réaliser des transformations qui vont bien au-delà de ce qu’on avait anticipé. »

«On a toujours fait ça comme ça»

Bien sûr, le leader doit avoir le courage de créer une rupture. « Entendre des commentaires comme “on a toujours fait ça comme ça” me hérisse les poils des bras, a lancé Sophie Reis, directrice et cofondatrice de la plateforme de financement participatif La Ruche Montréal, lors de la discussion animée par Caroline Ménard, présidente de Brio Conseil. Pour aller ailleurs, il faut remettre en question les vieilles pratiques, dire les vraies affaires, et oui, ça demande du courage. »

Après huit ans chez Vidéotron en tant que directrice marques et commandites, Sophie Reis est arrivée à La Ruche en 2016 avec pour mandat d’implanter la plateforme à travers le Québec. « Mon constat n’a pas été agréable à entendre pour les autres qui étaient très épris de l’organisme fondé à Québec. Les choses avaient toujours été faites d’une façon, mais il fallait s’adapter aux marchés. J’étais prête à m’en aller si ma vision ne passait pas. » Elle a convaincu le conseil d’administration.

Charles Décarie a pour sa part donné un exemple datant de son passage au Cirque du Soleil. « Au début des années 2000, le Cirque fabriquait lui-même tous ses costumes. Un jour, j’ai eu le courage ou l’inconscience de dire que ça n’avait pas d’allure, qu’avec la croissance exponentielle qu’on avait on n’arriverait plus à tout fabriquer. Et j’ai dit que dorénavant, la moitié des costumes seraient faits à l’extérieur. Cela a permis de créer une industrie du costume au Québec en plus d’implanter des ateliers de fabrication en Asie. »

Identifier les résistants passifs

La capacité à influencer est une autre caractéristique du leader transformationnel. Mais pour cela, il doit savoir décoder l’écosystème où prendra place le changement, selon le chef de l’exploitation de Triotech.

« Il doit identifier les alliances, les réseaux informels, les résistants passifs, les vrais décideurs des faux, les influenceurs qui ne sont pas toujours dans l’organigramme… Sinon, ça ne fonctionnera pas. D’ailleurs, la cause de la plupart des échecs de transformations, c’est l’incapacité des leaders à lire leur environnement. »

Pour illustrer son propos, il a raconté l’histoire d’un ancien cadre de son entreprise qui avait instauré un changement technologique pour soutenir la croissance. « Sur le plan technique, il a fait un job incroyable. Mais sa lecture des influenceurs était mauvaise et il s’est retrouvé dans une tempête de résistance incroyable. L’ironie, c’est qu’après son départ, il y a eu une acceptation totale de ses solutions… »

Comment convaincre les employés d’embarquer dans le changement ? « Misez sur les leaders d’opinion même s’ils ne sont pas tout à fait d’accord avec vous, a conseillé Charles Décarie. Ils prennent plus de temps à convaincre, mais ils décupleront votre message. Parlez aussi avec les résistants passifs, ceux qui ne disent rien, mais qui sabotent votre travail. »

« Aller voir les résistants passifs, c’est reconnaître qu’ils existent et qu’ils ont une opinion, a renchéri Sophie Reis. Leur tendre la main, ça peut faire des miracles. »

Source : Journal les Affaires